Toujours plus vite

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À l’heure où il est question de réduire les vitesses maximales autorisées sur certaines voies hors agglomération, on voit fleurir les contestations un peu partout sur la toile et dans les discussions de comptoir : « on en veut à notre argent, la vitesse n’est pas un fléau et ne tue personne ».

Étant strictement opposé à tout excès de vitesse et estimant que la recherche de vitesse à tout prix est l’un des pires fléaux de notre société, j’ai essayé plusieurs fois d’écrire un article sur ce sujet, mais la passion l’ayant emporté, je n’ai jamais réussi à rester dans l’objectif et j’ai préféré mettre en lumière la parole d’autres personnes partageant mon point de vue.

Ces personnes sont intervenues en réponse à cet article du site carfree.fr

Ainsi, à la question « quelles sont réellement les principales causes de la mortalité sur les routes ? », Ludovic Brenta répond :

Le lobby des automobilistes déclare: « les deux principales causes de mortalité sur les routes résident dans l’alcoolémie (alcool excessif) et dans la somnolence ». Il se trompe. Les deux principales causes de mortalité sur les routes sont les voitures et les camions. Et deux des principales causes de mortalité hors des routes sont encore les voitures et les camions, non seulement à cause de la pollution aux particules fines et autres gaz toxiques qu’ils produisent, mais aussi de la sédentarité et donc des maladies cardio-vasculaires qu’ils induisent.

Certains dubitatifs objecteront qu’il ne servirait de toute façon à rien de limiter la vitesse sur les routes pour y diminuer la mortalité puisque la grande majorité des automobilistes ne respectent pas les limitations de vitesse. Jean-Marc y répond :

Ce n’est pas parce que certains ne respectent pas les vitesses qu’il ne faut pas les modifier si c est nécessaire.

Quand les villes étaient à 60, Certains Ne Respectaient Pas, quand elles sont passées à 50, C N R P… MAIS roulaient moins vite que les CNRP du temps du 60, et quand certaines zones sont à 45, 30 ou 20, CNRP, mais roulent moins vite qu’en zone 50.

De plus, le 80 est essentiel, vu que, contrairement à une autoroute, on peut -en toute légalité- croiser un piéton, un cycliste, un tracteur, un cavalier ou une mob… voire des vaches, moutons ou autres animaux.

Les autoroutes sont les routes les plus sûres… car tous le monde roule dans le même sens, car tout le monde roule plus ou moins à la même vitesse, et car il n’y a aucune intersection.

Rouler à 80 quand on a des marcheurs à pieds à côté est déjà largement suffisamment dangereux pour eux…

Pourtant, la plupart des automobilistes n’y croient pas, ils ne risquent pas plus leur vie à 80 qu’à 90 sur les routes de campagne, protégés dans leurs carrosseries. Alors, un certain Cycliste Alcoolique rappelle :

En fait encore une fois, l’automobiliste considère que l’accident qu’il commettra à 90 ne sera pas plus mortel pour LUI qu’à 80. Il semblerait que nous, les terroristes verts et autres doux rêveurs, avons oublié les merveilleuses avancées technologiques des ouatures. En 2013, ce conducteur, même s’il venait à piquer du nez, à contresens en s’enfilant une bouteille de whisky, SA vie sera épargnée grâce à SON airbag ®, la déformation de SON véhicule, SES freins qui ne se bloqueront pas et SON ESP (bon je ne sais pas ce que c’est mais c’est bon pour LUI apparemment). Il peut même commettre l’accident sans que ses enfants s’en rendent réellement compte grâce aux lecteurs DVD individuels placés a l’arrière.. Par contre bon le pauvre piéton, le cycliste, le conducteur d’en face.

Leurs arguments transpirent l’égoïsme.

On peut quand même demander à cette association qu’est-ce que le conducteur gagne à rouler à 90 plutôt qu’à 80? Est-ce que cette association (40 millions d’automobilistes, NDR) conteste le fait que la réduction de vitesse de 70 à 50 en ville puis la création des zones 30 n’a pas amélioré la qualité de vie des riverains ?

Mais malgré ça, certains penseront toujours « pas vu, pas pris » et continueront à bafouer les limitations en étant persuadés que leur comportement ne présente aucun risque. Bruno le Hérisson l’a remarqué :

Le problème des zones 30 c’est que l’on est arrivé à un tel niveau d’incivisme que les panneaux seuls ne sont plus suffisants et que de nombreuses zones 30 sont des aménagements très coûteux avec des chicanes, des îlots centraux, gendarmes couchés et autres joyeusetés.

La conséquence c’est que dès qu’une mairie décide de passer une zone en 30, ils se disent que les panneaux ne suffiront pas et que par mimétisme ils décident aussi de multiplier les aménagements coûteux.

Avec le corollaire du conducteur incivique qui, dans une zone 30 avec uniquement panneaux, au mieux remarque le panneau au pire se dit “c’est une zone 30 sans aménagement je peux donc rouler à 50 km/h”. Quelques années plus tard la mairie décide d’aménager la zone.

Les inconvénients à cette situation sont nombreux :

– un coût considérable pour la collectivité, cet argent ne va pas dans des pistes cyclables.
– des zones avec de l’emmerdement maximal des trottoirs réduits, des parcours alambiqués pour les vélos, les nuisances sonores pour les riverains avec des conducteurs que réaccélèrent entre deux zones 30
– aucun bénéfice pour faire changer les mentalités sur l’incivisme
– contrairement aux amendes qui sont des punissions justes, comme c’est la collectivité qui paye, on demande à tout le monde de participer par l’impôt à cause de certains.

De mon point de vue il faut faire beaucoup de prévention pédagogique sur l’importance du respect des limitations de vitesses et le civisme. Et aussi savoir manier le bâton avec des sanctions moins laxistes.

A ceux qui resteraient dubitatifs sur l’importance de la vitesse dans l’accidentologie sur les routes, je rappellerai malgré tout que plus une voiture va vite sur une route, plus sa vision est réduite donc moins elle me voit, donc plus tard elle me verra, et dans le même temps, plus son temps de réaction sera long pour m’éviter : donc plus elle roule vite,  plus elle a de risque de me percuter. De plus, en cas de risque de collision, plus elle roule vite, plus sa distance de freinage est grande et plus elle risque de me percuter malgré tout. Et si elle me percute, plus elle roule vite, plus la violence du choc sera grande.

Pour les plus sceptiques, une étude du Service d’Études sur les Transports, les Routes et leurs Aménagements précise un peu les choses : http://dtrf.setra.fr/pdf/pj/Dtrf/0004/Dtrf-0004058/DT4058.pdf

Après s’être interrogés sur le rapport vitesse/accidentologie, on rappellera une solution simple pour éviter tout don d’argent involontaire aux forces de l’ordre et au gouvernement : en respectant les limitations de vitesse, personne ne donnera un centime de recette à l’État par rapport à ce point.

Qu’on essaie de prouver par A+B que rouler à pleine vitesse dans une tonne de métal n’est dangereux pour personne, pourquoi pas, mais prenons le problème dans le sens inverse : quel est l’intérêt de rouler à 90 plutôt qu’à 80 ?

Une réduction de la vitesse généralisée, toute considération sur les rapports à l’accidentologie mise à part, permet un ralentissement global de la vitesse des pensées et des activités.

Elle permettra ainsi de se rendre compte qu’on n’est pas à la minute près lorsqu’on commande un livre sur internet et que les temps d’attente chez les libraires ne sont pas une fatalité (clin d’œil à un autre problème de société), que prendre son temps pour mieux choisir ce que l’on consomme peut peut-être être bénéfique pour qui veut bien prendre le temps d’essayer et que prendre le temps de vivre est peut-être salutaire. Mais pour cela, il faut prendre le temps d’y réfléchir.

8 réflexions sur “Toujours plus vite

  1. autoquote :
    « Les autoroutes sont les routes les plus sûres… car tous le monde roule dans le même sens, car tout le monde roule plus ou moins à la même vitesse, et car il n’y a aucune intersection. »

    A force d entendre certaines phrases, on fini par les répeter… désolé

    Les autoroutes ne sont pas la voie la plus sûre : une voie de chemin de fer est bien plus sûre, que ce soit par passager, par km, ou par kg de marchandises parcourus

    Mais elles ne sont pas non plus la route la plus sûre :
    une rue piétonne est plus sûre,

    Et une zone 20 ou 30, ou une piste cyclable ou bande cyclable (surtout si on ne prend pas en compte l’intersection, sur la chaussée « tous véhicules », quand on quitte la bande/piste cyclable pour traverser le carrefour) doivent aussi être plus sures.

    L autoroute est juste la route la plus sure… rapportée au nombre de voitures qui y passent (et véhicule.km).

    En gardant à l esprit que ces voitures et automobilistes seraient plus en sécurité sur ce même trajet, mais fait en train (avec wagon transporteur de voitures),

    ma phrase devient :
    Les autoroutes sont les routes les plus sures pour protéger les déplacements automobiles, par automobile

    Et les rues piétonnes sont les plus sures pour protéger les personnes

    Important de le rappeler, si on ne veut pas que nos élus multiplient les autoroutes, au lieu de multiplier les zones piétonnes

    (une rue piétonne n est pas une route ? une zone 20, si; et, comme la rue piétonne est plus sure que la zone 20, c est mieux de mettre en avant le meilleur aménagement)

  2. précision sur la précision :
    « (une rue piétonne n est pas une route ? une zone 20, si; et, comme la rue piétonne est plus sure que la zone 20, c est mieux de mettre en avant le meilleur aménagement) »

    Et, surtout, une rue piétonne est généralement créer à partir d’une route avec trottoirs, donc on passe d’une route de (centre-)ville dangereuse, à l aménagement le moins dangereux

  3. C’est vraiment agréable de résumer la discussion vu sur carfree.fr il y a quelque jours. J’aurais au moins quelques arguments nouveaux à répondre à mes collègues/contradicteurs automobilistes.
    Notamment l’intérêt de rouler à 90 plutôt qu’a 80 !

    Merci pour le travail effectué.

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