5 minutes ne vous sauveront pas la vie

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Ceci est un message adressé à tous les automobilistes urbains qui veulent à tout prix gagner leurs précieuses cinq minutes chaque matin.

En ville, la grande majorité des usagers de la route, même si inattentifs, restent courtois hors heures de pointe. Il y a bien sûr des exceptions dans les centre-villes très denses ou à Paris, mais globalement, il est possible de circuler sans trop de danger en milieu de journée.

Trois exceptions notables cependant : le matin entre 7h et 10h, le soir entre 17h et 20h et la nuit entre 21h et 6h (ce dernier cas étant particulier et étant du a l’absence de danger ressenti par les usagers pensant être seuls sur la route à ce moment,  à l’alcool ou autres substances, et à l’euphorie de la vie nocturne).

La circulation est donc relativement tranquille entre 6h et 7h du matin, entre 10h et 17h en journée, et le soir entre 20h et 21h (constat personnel après 10 ans de circulation dans différentes agglomérations en centre et en couronne).

Le pire est situé le matin aux heures de pointe des pendulaires. Tout est bon pour gagner ses précieuses cinq minutes : griller les priorités, passer en force, dépasser dans des rues étroites quitte à monter sur le trottoir si ça ne passe pas, et quand vraiment on est bloqué, on klaxonne ou on hurle, en pensant peut-être que la personne bloquant le passage le fait exprès dans un moment égaré de méchanceté gratuite.

Le problème est que ces actions mettent en danger toutes les personnes impliquées dans ces situations en augmentant considérablement le risque de collision. Encore le matin de la rédaction de cet article, un automobiliste a tenté de me dépasser dans une rue très étroite dans laquelle je roulais pourtant à une trentaine de kilomètres à l’heure, manquant de m’éjecter sur le bas-côté de la route et m’obligeant à freiner en urgence et à m’arrêter sur le trottoir pour me mettre en sécurité …

Entre 10h et 17h, toutes les voitures que je suis ne dépassent pourtant jamais les 30 km/h, vitesse qu’on adapte de façon relativement naturelle dans ce genre de rue étroite bordée de pavillons desquels peuvent surgir des enfants à chaque instant.

Cette personne a tourné au même endroit que moi, et bien qu’étant obligé de reprendre mes esprits et de retourner sur la route pour reprendre mon chemin, je suis arrivé juste derrière lui au STOP qui suivait : le temps gagné a donc été nul, la mise en danger a été totalement inutile.

Quel est donc l’intérêt de ces mises en danger gratuites ? Les personnes au volant dans ces cas là sont absolument persuadées qu’il vaut mieux tenter quelque chose plutôt que de perdre du temps, car elles en sont certaines : si elles s’arrêtent au STOP ou au rond point le temps d’attendre que les autres usagers passent, ou si elles restent derrière un vélo (peu importe sa vitesse, être derrière un vélo fait perdre du temps, c’est mathématique), elles vont mettre plus de temps sur leur trajet et elles risquent d’arriver en retard.

En réalité, le temps gagné est bien souvent totalement nul puisque la circulation ramène bien souvent la réalité de la vitesse effective de l’automobile à sa juste valeur aux heures de pointes : un des véhicules les plus lents.

Quand bien même la manœuvre dangereuse aura-t-elle fait gagner les précieuses cinq minutes (ce qui est loin d’être systématiquement vérifiable), elle aura permis d’arriver … cinq minutes plus tôt dans les embouteillages suivant. Le temps gagné sur le trajet total reste nul.

Maintenant, imaginons qu’à force de manœuvres toutes plus périlleuses les unes que les autres, les cinq minutes aient réellement été gagnées : est-on réellement à cinq minutes lorsqu’on arrive sur son lieu de travail ? Si le retard est exceptionnel, nous en tiendra-t-on vraiment rigueur ? Si le retard est systématique, n’y a-t-il pas quelque chose à modifier au moment de partir plutôt que de mettre la vie de tous en danger à chaque trajet pendulaire ?

Sur le trajet qui mène à la crèche de mon fils, je rencontre un passage à niveau dont les barrières sont soit abaissées, soit relevées. Quand elles sont relevées, je gagne probablement cinq minutes puisque je n’ai pas à m’arrêter et que je peux passer normalement. Quand elles sont abaissées, je me retrouve à m’arrêter, puis à attendre que le train passe, puis à repartir. Pourtant, chaque jour, j’arrive à peu près à la même heure sur mon lieu de travail : ces quelques minutes « perdues » n’ont donc rien changé à mon temps total de trajet. Finalement, c’est comme attendre à un feu rouge, peu importe le nombre de feux rouges rencontrés sur un trajet, globalement, à condition de circulation égale, ce facteur n’intervient pas dans le temps total de trajet.

Parfois, il arrive que certains automobilistes entreprennent des manœuvres compliquées pour sortir de chez eux et semblent me regarder un peu gênés me voyant attendre que la manœuvre soit finie : qu’ils soient rassurés, j’arriverai à la même heure que d’habitude, il ne sert à rien de risquer l’accident en me faufilant au dernier moment pour passer coûte que coûte.

Le problème est que dans la bulle que représente l’habitacle automobile, on ne se rend pas compte du danger que l’on crée lorsqu’on cherche à gagner ces précieuses minutes. L’automobiliste qui m’a dépassé en m’éjectant pratiquement sur le trottoir devait être persuadé qu’il passerait sans encombre et n’a même pas du remarquer que j’ai été obligé de me mettre à l’abri pour éviter tout risque.

Le sentiment de sécurité que procure le confort de l’habitacle automobile est un réel problème dans ce genre de cas, et peu d’automobilistes n’ayant jamais pratiqué régulièrement le vélo urbain se rendent compte du sentiment de danger éprouvé lorsqu’on est frôlé par une voiture.

D’autant plus qu’outre l’habitacle protecteur, la distance séparant le conducteur du cycliste (levier de vitesse + siège passager + carrosserie) augmente le sentiment de passer « large », là où le cycliste sent la carrosserie passer proche de son corps directement.

On ne parle ici que de ressenti, mais le danger est bien réel : entre deux voitures, le sentiment de sécurité sera partagé, mais l’accident aura autant de chance d’avoir lieu malgré tout ; les carrosseries ne ressentent rien, mais si elles se frôlent de trop près, elles tapent.

Alors, pensez-y, acceptez de perdre ponctuellement quelques minutes, l’impact final sera souvent minime par rapport au risque encouru, et on n’est jamais totalement maître de son véhicule lorsqu’on est stressé par le temps.