La raison d’être du tourne à droite cycliste

Panneau_tourne_à_droite

Depuis un certain temps à Nantes (et dans d’autres villes pilotes comme Strasbourg et Bordeaux), les vélos sont autorisés à tourner à droite même si le feu général est rouge, voire à aller tout droit s’il n’y a pas d’intersection.

Cette avancée sociale pour les cyclistes ne semble pas convenir à tout le monde et semble inquiéter certaines personnes sur les droits et le laisser aller que l’on octroie aux cyclistes, en témoigne cette chronique de Philippe Manière sur France Culture : http://www.franceculture.fr/emission-les-idees-claires-de-philippe-maniere-les-idees-claires-de-philippe-maniere-2013-09-24

Le feu rouge a été mis en place dans les villes pour deux raisons : réguler le trafic automobile et protéger les intersections en établissant des ordres de priorité.

Il ne viendrait à l’esprit de personne de mettre des feux rouges au milieu d’un trottoir pour réguler le trafic des piétons et seules les intersections dangereuses nécessitant un ordre de priorité en sont pourvues (généralement sur un passage piéton prévu pour traverser une route sur laquelle les voitures roulent rapidement).

Les régimes sont donc différents selon la catégorie d’usagers et cela ne semble choquer personne.

Les feux rouges placés au milieu des lignes droites sans intersection visant uniquement à réguler le trafic automobile n’ont aucun lieu d’être pour les vélos : vitesse, encombrement et pollution (sonore et de l’air) sont très différents selon la catégorie de véhicules et réguler le trafic des vélos sur les axes routiers sans intersection n’a aucun intérêt.

« On » a décidé de placer les vélos avec les voitures sur les mêmes routes et « on » a par conséquent indiqué à ces vélos d’utiliser le même code de la route (créé pour la voiture uniquement) afin de permettre la meilleure cohabitation possible aux différents usagers.

Dans les faits, il n’est presque jamais adapté :

– le vélo étant moins rapide (sur une portion de route) doit se placer sur la droite pour laisser passer les usagers plus rapides (véhicules à moteur) et se fait donc piéger à chaque fois qu’il souhaite tourner à gauche puisqu’il doit d’abord laisser la priorité à ceux qui arrivent de derrière avant de laisser la priorité à ceux qui arrivent en face : double peine. (intérêt des sas cyclistes presque jamais respectés)

– les feux étant prévus pour la voiture, ils sont calés sur la vitesse de celle-ci entre deux feux, qui est totalement différente de celle du vélo : suivre une voiture sur une route à multiples feux conduit systématiquement à se retrouver bloqué à un feu rouge là où la voiture a pu passer. L’exemple flagrant est celui des feux synchronisés : alors qu’il est possible d’adapter sa vitesse en voiture pour avoir tous les feux au vert, cela est pratiquement impossible pour la plupart des cyclistes sans rouler à 30 km/h sur toute la série (si vous êtes sportif, c’est bon pour vous).

– les feux étant prévus pour l’automobile, ils imposent simplement un arrêt pour lequel l’automobiliste n’aura qu’à appuyer sur la pédale de frein, pour repartir dès que le feu passe au vert en appuyant simplement sur la pédale d’accélérateur (et d’embrayage pour les manuelles). Le cycliste, lui, actionnera simplement ses freins pour s’arrêter dans les pots d’échappement des voitures, avant de démarrer en dépensant une énergie plus de trois fois supérieure à celle utile pour pédaler une fois lancé avec un léger déséquilibre le mettant en danger quelques secondes.

De façon plus générale, l’intérêt des municipalités est de promouvoir le vélo pour gagner sur plusieurs plans souvent énoncés sur ce blog : calme, coût de l’entretien des voiries à moyen et long terme, accidentologie, libération de l’espace urbain, préservation de l’environnement, dépendance énergétique de l’État, épuisement proche des stocks d’énergie fossile, santé des usagers, etc.

Or pour amener l’usager de la voirie urbaine à un transport, il faut que celui-ci lui fasse gagner du temps et soit prioritaire : c’est ainsi que les tramways et parfois les bus (voies et feux réservés) sont en général prioritaires sur le trafic automobile. Il est donc contre-productif d’obliger un cycliste à faire le même détour qu’un automobiliste à cause d’un sens interdit, qui là encore, n’a été mis en place que dans l’unique but de réguler le trafic auto, et non cyclo ! (Les contresens cyclables font tout autant polémique que les tourne à droite).

Dans l’absolu, l’idéal serait des feux dédiés aux vélos comme il en existe parfois afin que certains soient moins choqués par la signification perçue par un long conditionnement aux signaux imposés par notre société (note à M. Manière), mais des panneaux aisément compréhensibles par qui souhaite faire l’effort utilisent globalement moins d’énergie pour fonctionner : autant être cohérent jusqu’au bout.

Concernant l’accidentologie supposée de la mise en place de cette nouvelle signalisation, aucun accident n’a été déclaré suite à cette mise en place lors de son utilisation dans les villes tests.

Elle permet en revanche de réduire de manière significative le risque d’accident impliquant une véhicule motorisé tournant à droite et coupant la route au cycliste (risque mortel en présence d’un poids lourd) en permettant au cycliste de tourner avant le démarrage des motorisés.

Acheter responsable : à chacun sa philosophie de vie

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Comme indiqué plusieurs fois dans ce blog, l’une des phrases que j’entends le plus souvent quand j’explique que je n’ai pas de voiture est l’éternelle : « Mais comment est-ce que tu fais pour les courses ? »

Bien évidemment, j’ai montré à plusieurs reprises qu’entre les systèmes de transport de charge que l’on peut ajouter sur les vélos classiques, les remorques et les vélos-cargos, on avait largement de quoi ramener à la maison le chariot plein de l’hypermarché le vendredi soir.

Mais ne pas utiliser de voiture, selon moi, ce n’est pas seulement remplacer les trajets que tout le monde effectue en voiture par un moyen plus ou moins pratique pour compenser l’absence de moteur et de gaz d’échappement.

Vivre sans voiture, c’est vivre avec une certaine philosophie de vie et une certaine façon de consommer. En fait, je ne me pose jamais la question du « comment faire les courses à l’hyper sans voiture » car je n’ai pas le réflexe hypermarché.

Je n’aurai jamais la prétention de dire que cette philosophie et ce mode de vie sont meilleurs que d’autres, mais ils sont différents et ne s’appréhendent pas de la même façon.

Avant même la notion de consommation, c’est au niveau de la perception de la réalité que l’on se rend compte que la voiture a coupé certaines notions aux habitués des trajets enfermés : Dans un grand débat philosophique d’une importance capitale sur la pluie et le beau temps avec des collègues de bureau, j’expliquais à l’une d’entre eux qu’on sentait que le temps se rafraîchissait car je devais ressortir une petite veste le matin pour venir au boulot. Ce sur quoi elle m’a répondu « oh, ça je ne m’en rends pas trop compte, quand je sors de chez moi je vais directement dans ma voiture et une fois que j’arrive je vais directement au boulot ».

Je m’étais déjà fait plusieurs fois la réflexion que l’un des rares avantages de la voiture est qu’elle protège des intempéries désagréables comme la pluie ou dangereuses comme les orages, mais me rendre compte à quel point on devenait complètement coupé de toute réalité climatique à ce point m’a laissé pantois quelques instants.

Pour en revenir à la consommation, même s’il m’est arrivé à de rares occasions de faire le plein de courses à l’hyper du coin avec le triporteur que l’on rempli autant sinon plus qu’une citadine, ce n’est clairement pas ma façon de consommer de prédilection.

Acheter des centaines de produits en recherchant toujours le prix le plus bas (les pubs des enseignes de grande distribution le disent toutes : « c’est nous les moins chers ») tout en agrémentant son chariot ça et là de quelques produits de certaines marques dont les pubs nous ont marqué plus que d’autres en nous vantant leur pseudo qualité pour des produits fabriqués dans les mêmes industries que leurs petits copains, bof.

Qu’y a-t-il derrière tous ces produits ? Des matières et des aliments venant de productions artificielles ultra-optimisées peu regardantes sur les conditions de traitement des employés et de l’environnement dans les pays qui les font aux coûts les plus bas détruisant au passage l’image des produits nationaux et favorisant donc l’engourdissement de notre économie, le tout bien emballé à la chaîne sur des tapis et transportés à coup d’avions et de camions vers les magasins distributeurs.

Au final on ne sait plus trop ce qu’on a comme produit, mais il a le mérite d’avoir un bel emballage et d’être joli à regarder. Quant au traitement des employés et de l’environnement qui ont conduit ce produit depuis son lieu de production jusqu’à la sortie du coffre de la voiture, peu importe, tant qu’on a l’impression d’avoir le produit vanté par la pub ou le produit qui nous a fait réalisé le plus d’économies.

Du coup, si on a un jardin, on va faire pousser deux ou trois tomates pour avoir le plaisir de manger de vrais produits en se faisant la réflexion que c’est quand même très différent de ce qu’on retrouve à l’hyper du coin, mais qui ne nous empêchera pas de nous retrouver une nouvelle fois à la caisse le chariot plein le vendredi suivant.

Alors, que faire pour éviter tout ça ? Acheter chez les petits commerçants ? Acheter de l’artisanal ? Acheter bio ? Acheter chez les producteurs ? Acheter français ?

C’est que ce n’est pas si simple : Vaut-il mieux acheter un produit bio importé de l’autre bout du monde et vendu en supermarché avec tout l’emballage qui va avec ou chez un producteur local qui fait pousser ses légumes à coup d’engrais chimiques pas vraiment préférables ? Vaut-il mieux acheter des biscuits industriels fabriqués dans l’usine à 10 km de chez moi pour favoriser les emplois et la tradition du savoir faire de cette usine locale ou vaut-il mieux acheter une alimentation artisanale et saine mais venant de l’autre bout du pays ? Vaut-il mieux acheter un produit de marque nationale made in ailleurs (exemple avec le textile des grandes marques françaises) ou un produit d’une marque étrangère made in chez-nous (exemple avec un certain soda à bulles maronnasse qui possède plusieurs usines sur notre territoire) ? Vaut-il mieux acheter un produit qui nous plaît moins mais responsable et qui durera dans le temps (artisanal, écolo, bio, local, etc., mais relativement moche) ou un produit qu’on apprécie mais qui est anti-éthique au possible (oh le beau jean à la mode délavé qui a refilé la silicose à plein de jeunes turcs exploités) ? Vaut-il mieux acheter des produits industriels venant de toute la planète chez un petit commerçant de quartier ou des produits artisanaux locaux dans un supermarché ? Et vaut-il mieux acheter un produit conçu à l’autre bout du monde en matières recyclées ou un produit local en plastique ?

A chacun sa façon de consommer, à chacun sa façon de penser, à chacun ses priorités et ses idées ; mais, même si nous avons tous différentes approches et affinités avec l’éthique et le responsable, essayons au moins de réfléchir à chaque fois que l’on achète un produit au lieu de foncer tête baissée dans le supermarché avec sa liste de course toute faite pour gagner du temps à tout prix, à l’affût des prix toujours plus bas et des marques dont les publicitaires sont plus malins que d’autres.