Écouter la route

349459-quiconque-circule-velo-avec-ecouteurs

J’avais écrit un article avec des conseils sur les différentes façons d’écouter de la musique à vélo de la façon la plus sécurisée qu’il soit (car oui, c’est possible), mais devant les annonces de loi récentes, j’ai dû annuler cette publication.

En effet, le gouvernement a décidé que seraient interdites les oreillettes dits « kits mains libre » dans les voitures et à vélo, mais également les casques (de musique) à vélo à partir du 1er juillet 2015.

L’idée n’est pas forcément dénuée de sens en ce qui concerne les oreillettes, que ce soit en voiture ou à vélo, car la concentration demandée pour se concentrer sur ce qu’on entend dans l’oreille et ainsi pouvoir tenir sa conversation est supérieure à celle dont on a besoin pour écouter une personne physiquement présente.

Or cette concentration détournée peut faire défaut lors d’une situation dangereuse où elle aurait dû être portée sur la circulation.

Pour la musique, l’écoute à bas volume permet d’avoir une ambiance sans demander de concentration et revient à l’écoute de l’autoradio dans une voiture.

Le problème n’est pas en soi de ne plus pouvoir écouter de musique à vélo, les gens le feront quand même, ils partageront simplement la musique avec tous les piétons présents (merci pour eux), et le besoin est loin d’être vital. Le problème est surtout dans le principe de décision de cette loi.

Pourquoi est-ce que l’on souhaite interdire les écouteurs à vélo ? Parce qu’ils empêchent d’entendre les bruits de la circulation.

Outre le fait que le seul danger réellement mortel que l’on peut entendre dans la circulation est encore et toujours l’automobile et que les autres usagers en pâtissent encore sans avoir rien demandé (voir article précédent), on part donc du principe qu’il est normal que des éléments de la circulation soient bruyants et que c’est même grâce à ça qu’on peut être en sécurité.

Donc non seulement on approuve les bruits gênants de la circulation, mais on nous force en plus à les écouter.

Le problème ne s’arrête pas là : comment sont donc pris en compte les éléments non bruyants de la circulation ? Si on suit cette logique, ils ne devraient plus avoir le droit de circuler car on vient de montrer avec cette loi que le son était primordial dans la sécurité routière.

Un vélo ne fait pratiquement aucun bruit, un piéton encore moins, la plupart des rollers non plus. Ceci pose déjà un réel problème dans le sens où les gens ne se fient justement qu’à leur ouïe pour vérifier la circulation et ne regarde pratiquement jamais la route.

Combien de cyclistes ont vécu cette situation lors d’un croisement de passage piéton, un piéton traversant et n’entendant pas de bruit de moteur, allant bon train vers l’autre côté et manquant de provoquer un accident. « On ne vous entend pas arriver ! » Bah non, en effet, certains usagers de la voie publique sont plus discrets que d’autres.

Pourtant, ça semble en gêner certains. Je me souviens d’un jour où je quittais mon domicile à vélo par une toute petite rue dans laquelle les piétons ont l’habitude de marcher sans aller particulièrement sur les trottoirs (et je les soutiens sur ce niveau, l’espace publique étant à tout le monde) : j’ai doublé un piéton qui s’est mis à tourner au même moment pour grimper sur le trottoir en évitant l’accident de justesse. Le piéton m’a alors rétorqué : « il faut rajouter un moteur (thermique, qui fait du bruit, n.d.a.) sur votre vélo, on ne vous entend pas arriver ! ».

Ajouter un moteur bruyant à mon vélo qui enlèverait tout ce qui fait l’intérêt d’un vélo pour qu’on puisse m’entendre arriver, j’avoue ne pas y avoir pensé !

A tout cela s’ajoute la question des rollers : assimilés aux piétons dans le code de la route, ils auront théoriquement le droit de porter des écouteurs. Pourtant, ils peuvent aller à la vitesse de circulation d’un vélo en pleine ville et présentent plus de risques (freinage moins précis, équilibre précaire), la situation est donc totalement absurde.

Encore une fois, la voiture décide pour tous de ce qui est bon pour notre sécurité lorsqu’elle est seule à représenter un réel danger, bienvenue dans le monde de l’automobile.

20 réflexions sur “Écouter la route

  1. Si on va toujours plus loin dans le raisonnement fondé par le gouvernement, il faut retirer l’abitacle des voitures aussi car les automobistes sont isolés acoustiquement (et socialement) de leur environnement.

  2. Hello,
    Je ne suis pas favorable aux sempiternelles comparaisons vélo/motos/voitures/piétons/rollers et le reste.
    Pour ma pomme : le ministère peut s’assoir dessus, le vélo bien sûr 😊
    Il m’a fallu 2 mois de recherche et de test pour un casque DIY en vélo.
    J’attends avec impatience le billet sur « la musique en vélo. Pas de quoi se censurer… On ne fait que du vélo en ville ou sur route hein ?
    Crdlt
    TC
    http://img110.xooimage.com/views/e/a/4/dscf0644-800×600–4b42782.jpg/

    • Correction:
      « .. ne fait PAS que du vélo en ville ou sur route hein ? »
      En forêt de St Germain ou sur les coulées vertes j’ai mon Bluetooth avec musique, appels téléphoniques, lecture
      GPS, direction vocale GPS, ect.
      TC

  3. « Combien de cyclistes ont vécu cette situation lors d’un croisement de passage piéton, un piéton traversant et n’entendant pas de bruit de moteur, allant bon train vers l’autre côté et manquant de provoquer un accident. »

    Il serait bon de preciser la situation. Faut-il rappeler que les pietons sont prioritaires aux passages pietons sans feu ? c’est donc au velo de faire attention.

    En tant qu’usager frequent de rollers, combien de fois dois-je regarder autour de moi avant de traverser a un passage, les velos ayant coutume de ne pas trop faire attention et de me griller la priorite (alors que je vais a peu pres a la vitesse d’un pieton qui court, chose qui n’est nullement interdite).

    Sur la dangerosite du rollers: je rigole doucement. Un usager coutumier a rollers est infiniment moins dangereux qu’un v’libiste du dimanche,..

    • Je parle de situation d’un pieton qui marche sur le trottoir et qui change de trottoir d’un coup en traversant au milieu de nulle part sans regarder derrière lui si quelqu’un arrive, situation vécue plusieurs fois par jour.

      Quant aux rollers, je sais bien que la paranoïa est typique du net, mais un peu de calme voyons.

      Je fais du roller très fréquemment depuis 20 ans et c’est mon deuxième moyen de transport principal après le vélo et devant les transports en commun.

      Mais dire que le roller est moins stable que le vélo et que le vélo est moins stable qu’une voiture ce n’est pas grave, c’est une réalité physique : non, un dérapage à roller, aussi beau soit-il, ne sera jamais aussi efficace que des freins de vélo bien réglés, et oui, la surface sur laquelle on roule est beaucoup plus importante (rouler sur route mouillée est dangereux à vélo, mais alors à rollers… Et les gravillons sont bien plus traitres à roller qu’à vélo)

      Ça demande également plus d’investissement physique (j’ai déjà fait un trajet de 350 km à vélo en une fois, je ne le ferai jamais à roller)

      Ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas les utiliser, ça veut dire que la vigilance demandée est supérieure.

  4. Merci pour cet article qui entre en résonance (mais en silence !) avec mes convictions. Hélas je crois que de tels arguments seront difficiles à faire valoir devant les forces de l’ordre même à vélo avec leurs oreillettes (ils ont une dérogation eux !). Je serais tout de même curieux de vérifier la constitutionnalité d’une telle loi. Pourquoi une moto ou une voiture avec un casque équipé d’une système totalement main libre seraient exemptées d’une telle mesure ? Parce que c’est difficilement repérable par un agent, contrairement à un casque audio sur les oreilles d’un cycliste ? Est-ce qu’un sourd est interdit de pratique du 2 roues ? A vérifier mais je ne pense pas, on ne va pas lui mettre un 2ème handicap sur le dos. A toutes ces questions, les réponses pourraient montrer une inégalité des individus devant la loi. Peut-être qu’il faudrait alors que je me batte un peu pour sauvegarder mes droits d’écouter la radio quotidiennement sur mon vélo depuis 15 ans car je ne pouvais plus lire mon journal en roulant ! Mais tiens j’y pense, les Googles Glasses, ça doit passer inaperçu sur un vélo 😉

    • De tels arguments seront clairement impossible à faire valoir, cela me semble évident, les forces de l’ordre sont là pour appliquer et non pour polémiquer 😉

      En tout cas, au Canada, cette mesure est prise depuis un certain temps. Je me souviens qu’il y a quelques temps, j’avais fait une recherche sur le droit ou non de porter des écouteurs à vélo, et j’étais tombés sur plusieurs textes francophones indiquant que ce n’était pas autorisé : je me suis vite rendu compte qu’il s’agit de mesures québecoises que j’espérais ne jamais voir arriver en France.

      Eh bien trop tard :\

  5. J’ai des écouteurs depuis 20 ans sur mon vélo. J’ai commencé avec les walkmans à K7 ! Je passe chaque jour près d’1 heure sur mon vélo et sans doute en partie grâce à ces écoutes. C’est dire si je ne vais pas abandonner du jour au lendemain avant d’avoir tenté des solutions de contournement. Petite revue des pistes envisagées :
    1) Un casque vélo équipé d’oreillettes. Les motos y ont toujours droit, ça parait la moindre des choses pour un vélo. Hélas il y a peu de modèles vraiment intégrés, et comme les casque de vélo sont dégagés aux oreilles, on voit les écouteurs. Pas sûr que la maréchaussée fasse la part des choses. Reste les casques de ski mais ça tient un peu chaud en été !
    2) Le bonnet avec casque intégré Archos : idem, ça va me faire juste la saison d’hiver.
    3) La casquette saharienne qui permet de planquer des oreillettes sans fil : Ca risque d’attirer la vigilance des policiers surtout si y’a une prolifération de casquettes en vélo !
    4) Le casque à diffusion osseuse Bluez d’AfterShokz, les oreillettes reposent sur la tempe et pas dans les oreilles : Jamais essayé et à 100 euros, faut pas trop se rater d’autant que le législateur ne l’a pas explicitement cité dans sa loi et que je me vois mal expliquer à la police que ce ne sont pas des écouteurs comme les autres.
    Ce ne sont pour l’instant que des pistes à tester qui montrent surtout bien que cette loi est particulièrement ambigüe. Lutte-t-on contre l’isolation des bruits ambiants ou contre la déconcentration lié à la conversation téléphonique ? Dans le 1er cas, on voit mal pourquoi on n’aurait pas droit au dispositif ouvert ou semi-ouvert et dans le 2ème cas, ça ne gênera absolument pas les motos et autos équipées d’un système intégré à leur casque ou leur habitacle. Bref, ce sont les cyclistes, marginaux et plus souvent victimes dans les statistiques d’accidentologie qui font les frais de mesure de sécurité visant les voitures. (Gros soupir !!)

    • Je suis on ne peut plus d’accord avec votre conclusion…
      Merci pour ces pistes, j’ai également pensé à certaines d’entre elles, mais sans arriver à une solution satisfaisante pour l’heure.
      Reste l’enceinte portable, un peu dommage pour la quiétude de tous.

      • Si tous les cyclistes installaient un bon gros sound system sur leur vélos, sûr que ce serait une façon de montrer l’absurdité de la loi 😉

  6. Bonjour,

    — Les arguments du silence des non-motorisés sont en effet irréprochables.

    Néanmoins, il ne faut pas oublier qu’à vélo, à pied ou en rollers, on se meut — comme les vaches, on regarde passer les motorisés — avec les yeux mais aussi avec les oreilles.
    Lorsque je roule sur ces si peu accueillantes anciennes nationales de campagne, entendre les pneus glisser puis les moteurs vrombir est certes désagréable au plus haut point, mais me donne une information importante sur ce qui se passe derrière, m’incite à jeter un œil et éventuellement, à me rabattre par sécurité.
    Par vent de face, le bruit est déplacé vers l’arrière. Je me suis déjà fait surprendre par des véhicules rasants que je n’avais pas entendu.
    N’ayant jamais utilisé d’écouteurs à vélo, je ne peux pas dire si l’écoute, même à bas volume, occulte ou non les bruits de la route ; par précaution, je ne m’y risquerai pas.
    Vous pourrez me répondre : « à 25 mètres par seconde, entendre la voiture à 75 m derrière toi ne te sauvera pas », « tu admets toi-même que tu n’entends pas tout », certes, je cherche peut-être à me rassurer… Je me dis que si je peux anticiper à l’oreille la moitié des fous du volant de derrière, c’est déjà réduire mes risques d’accident.

    L’automobiliste enfermé dans sa bulle est un utilisateur sourd. Les 2 roues motorisés, sous casque avec un moteur ouvert ne sont pas mieux lotis. Ce sens, rendu inutile à la conduite par l’essence (oh oh oh) même de leur véhicule, est mis à profit, légalement, pour écouter la radio, la musique, etc.
    Ces utilisateurs doivent donc être exclusivement concentrés sur la vision et ne pas se laisser distraire.

    Je pense que la modification de l’article R. 412-6-1 en question ici
    ( http://legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=EB92E2AD37B3724451700CD9C60E9128.tpdila07v_1?idArticle=LEGIARTI000030800800&cidTexte=LEGITEXT000006074228&categorieLien=id&dateTexte= )
    est une tentative d’enfumage des gens qui combattent l’usage du téléphone en conduite et la grande perte d’attention qui en découle.
    Sous prétexte d’interdire les oreillettes Bluetooth, on ratisse large et on interdit toutes ce qui se porte à l’oreille… Et on laisse totalement libre l’utilisation du système téléphonique intégré au véhicule, ce qui remet en cause l’objet de cet article de loi. Quelle mauvaise foi !

    — En ce qui concerne les piétons, je ne peux que déplorer l’opposition qui est faite — sciemment organisée ? — entre eux et les cyclistes. Cette division ne fait que donner des arguments contre les cyclistes à des gens qui n’attendent que ça pour les virer de la route.
    Il y a des irresponsables partout, je me souviens avoir bien engueulé un couple qui avait presque jeté la poussette de leur gosse sous mes roues, heureusement que je n’étais pas en voiture. Et on voit aussi des cyclistes forcer les passages piétons… Mais probablement moins que de voitures, car la voiture, elle, ne risque pas de chuter.

    Piétons et cyclistes sont très proches, en particulier par leur vulnérabilité, ils ont beaucoup plus à gagner en s’alliant pour dénoncer ces rues et ces routes devenues impraticables sereinement.

  7. Bonjour
    Pour répondre à la dernière question dans les commentaires, oui, la police verbalise bien sur cette infraction, un de mes amis vient d’en faire les frais.
    Pour en revenir à la question initiale, « comment écouter la route tout en écoutant des podcasts ou de la musique (ou le radioguidage de Google Maps quand je circule à vélib) », voilà ma propre réponse que j’ai adoptée il y a plus d’un an.
    J’utilise ce petit haut parleur bluetooth pas cher mais diablement efficace : https://www.amazon.fr/VicTsing-Mini-Enceinte-Portable-Bluetooth/dp/B00NM75N50
    Je l’accroche à différents endroits près de mes oreilles (en haut du sac à dos, ou bien en haut des bretelles du sac à dos, ou sur la bandoulière de mon sac) par un simple mécanisme : du velcro avec face autocollante (ça se trouve partout), la partie mâle collée à l’arrière du HP, et une partie femelle collée sur mes différents sacs).
    Ainsi, j’entends la route, on m’entends arriver et je ne violente plus mes oreilles avec un casque intra.
    A bon écouteur, salut 😉

      • Je dois être chanceux car personne ne s’est jamais plaint. C’est plutôt de la surprise. Et bien sûr, le haut parleur n’étant pas loin de l’oreille finalement le volume n’est pas fort et la bulle sonore qui m’entoure très resserrée. Je roule aussi sur des pistes cyclables ou sur la chaussée où il y a peu de piétons,et je coupe le son dans les zones piétonnes.
        Et à ceux qui se plaindraient je répondrais que le bruit d’une voiture est bien plus gênant que mon court passage a vélo, non ?

      • Pas à moi de répondre mais plutôt à ceux qui se plaignent 😉

        Après ils pourraient rétorquer que le mieux est un vélo silencieux, sans zik, simplement.

        Pour ma part je roule surtout en pleine ville, et c’est à peu près tous les piétons qui se retournent de façon générale.

        Ça fait un peu l’effet de ces gens qui mettent leur musique sur leur téléphone dans le bus.

        Bref pour ma part c’est sans musique du tout aujourd’hui.

Répondre à djibe31 Annuler la réponse.